Je vais tenter de vous raconter Rapa Nui, telle que nous l'avons apphréendée, à une exception près: l'ordre de nos visites. Vous vous doutez bien qu'avec les enfants, il a fallu composer en fonction de la météo, de la fatigue des uns et des autres, de la motivation... Ceci a donné lieu à une découverte de l'île pas forcément toujours dans le bon ordre, historiquement et géographiquement parlant.
Je vais donc refaire avec vous le tour de l'île, en commençant par l'endroit où prenaient vie les moais, à savoir, la carrière du RANO RARAKU, petit volcan situé au nord est de l'île, juste à côté du mont POIKE.
Nous suivrons ensuite ensemble le chemin emprunté par les pascuans pour amener les moais du RANO RARAKU aux différents sites de l'ïle. Les sites où sont érigés des moais sont appelés des AHU .
Nous contemplerons les dizaines de AHU présents partout dans l'île ( là où sont représentés de petits moais sur la carte), même si c'est principalement le long des côtes que nous en verrons le plus.
Nous terminerons par la visite du RANO KAO ou Rano kau, marquant chronologiquement un tournant dans l'histoire pascuanne, les moais étant sensiblement délaissés à cette époque, au profit de la croyance d'un homme oiseau...
Mais avant, un flash back sur ce qu'à pu être Rapa Nui... C'est peut-être un peu long, mais ça plante bien le décors...
"Lorsque les premiers Européens débarquèrent au XVIIIe siècle, ils trouvèrent une île totalement déboisée à l’exception d’une poignée d’arbres isolés au fond du plus profond cratère du volcan éteint de Rano Kao. Or de récents travaux scientifiques, dont l’analyse des types de pollen, ont montré qu’au v’ siècle l’île de Pâques possédait une épaisse couverture végétale incluant des bois touffus. À mesure que la population se développait, il a fallu abattre de plus en plus d’arbres afin de fournir des clairières à l’agriculture, du carburant pour le chauffage et la cuisine, du matériau de construction pour les habitations, des canoës pour la pêche, et des troncs pour transporter les statues sur des sortes de pistes flexibles le long desquelles les faisaient glisser des centaines d’ouvriers. Autrement dit on utilisa de prodigieuses quantités de bois. Et, un jour . . . il n’y en eut plus assez !
La déforestation de l’île ne sonna pas seulement le glas de toute vie sociale ou religieuse un peu élaborée : elle eut également des effets spectaculaires sur la vie quotidienne de la population. En 1500, la pénurie d’arbres contraignit bien des gens à ne plus construire des maisons en planches mais à vivre dans des grottes et, quand environ un siècle plus tard le bois finit par manquer totalement, tout le monde dut se rabattre sur des habitations troglodytes creusées au flanc des collines ou de frêles huttes en roseaux taillés dans la végétation qui poussait en bordure des lacs de cratère. Plus question de bâtir des canoës : les embarcations en roseau ne permettaient pas d’entreprendre de longs voyages.
La pêche devint aussi plus difficile car le bois de mûrier avec lequel on fabriquait les filets n’existait plus. La disparition de la couverture boisée appauvrit encore le sol de l’île qui souffrait déjà d’un manque d’engrais animaux convenables pour remplacer les éléments nutritifs absorbés par les cultures. L’exposition accrue aux intempéries aggrava l’érosion et fit rapidement chuter le rendement des cultures. Les poulets devinrent la principale source de ravitaillement. À mesure que leur nombre augmentait, il fallut les protéger du vol. Mais ils ne pouvaient suffire à faire vivre sept mille habitants, et la population déclina rapidement.
À partir de 1600, la société décadente de l’île de Pâques régressa vers un niveau de vie toujours plus primitif. Privés d’arbres et donc de canoës, les insulaires se retrouvaient prisonniers à des milliers de kilomètres de leur patrie natale, incapables d’échapper aux conséquences de la débâcle de leur environnement dont ils étaient eux-mêmes responsables. L’impact social et culturel du déboisement fut tout aussi important. L’impossibilité d’ériger de nouvelles statues dut avoir un effet dévastateur sur les systèmes de croyances et d’organisation sociale et remettre en question les fondations mêmes sur lesquelles s’était édifiée cette société complexe.
Les conflits se multiplièrent, provoquant un état de guerre quasi permanent. L’esclavage devint pratique courante et, à mesure que se raréfiait la quantité de protéines disponibles, les habitants se livrèrent au cannibalisme. L’un des principaux objectifs de ces guerres était de détruire les ahu des clans adverses. La plupart des magnifiques statues de pierre furent ainsi peu à peu abattues. Face à ce paysage désolé, face à l’ignorance des insulaires qui avaient perdu au fil des siècles la mémoire de leur culture, les premiers Européens ne comprirent pas quelle étrange civilisation avait pu un jour fleurir sur l’île. Mille ans durant, les Pascuans surent conserver un mode de vie correspondant à un ensemble raffiné de coutumes sociales et religieuses qui leur permit non seulement de subsister, mais de s’épanouir.
Il s’agit à bien des égards d’un triomphe de l’ingéniosité humaine et d’une apparente victoire sur un environnement hostile. Or, au bout du compte, la croissance de la population et les ambitions culturelles des insulaires se révélèrent trop pesantes pour les ressources limitées mises à leur disposition. Celles‑ci épuisées, la société ne tarda pas à s’effondrer, entraînant les habitants à un niveau proche de la barbarie. Il suffisait à ces hommes, totalement isolés du reste du monde, d’une journée pour faire le tour de leur petite île et comprendre la nécessité vitale de créer un bon équilibre avec leur environnement.
Au lieu de cela, ils l’exploitèrent comme si les possibilités qu’il leur offrait étaient illimitées. Pis, alors même que les lacunes de l’île devenaient cruellement évidentes, la lutte entre les clans semble s’être intensifiée : on sculptait de plus en plus de statues qu’on transportait à travers l’île dans un ultime effort pour assurer son prestige, quitte à en laisser un grand nombre inachevées et abandonnées à proximité de la carrière, sans tenir aucun compte de l’inquiétante pénurie d’arbres qu’une telle escalade entraînait."
On dénombre aujourd'hui plus de 600 moais sur l'île, dont certains atteignent 10m de hauteur.
On ne sait pas ce qui a réellement motivé les pascuans à sculpter et à ériger leurs grandioses monuments de pierre.
On se sait d'ailleurs pas non plus comment ils sont parvenus à transporter ces énormes blocs, d'un poids considérable, des sites dont ils ont été extraits à leurs emplacements actuels.
Il y a bien des hypothèses...
Mais rien de sûr... On sait juste qu'ils sont bien présents et que des scientifiques continuent toujours et encore à essayer d'élucider ces mystères...
Depuis la mer, le Rano Raraku est une montagne massive semblable à beaucoup d'autres montagnes...
Mais c'est quand on la contourne par la gauche, en suivant l'unique route qui y conduit, que l'on mesure l' importance de ce site dans l'histoire pascuanne.
Des dizaines de moais jalonnent le flanc de la carrière. Vous apercevez encore dans la roche les empreintes rectangulaires des blocs taillés à même la montagne.
Le site du Rano Raraku est l'endroit le plus impressionnant que nous ayons vu sur l'île (en vrai, c'est le lieu que nous avons vu en dernier!!!).
Certains moais sont encore debouts, d'autres sont couchés, d'autres encore sont cassés... Derrière ces statues, imaginez vous des hommes, probablement des esclaves (de la tribu des "petites oreilles") qui taillent, extraient de la montagne, redressent, puis font descendre(on ne sait toujours pas vraiment comment!) des statues de plusieurs mètres de hauteur et de plusieurs tonnes... certaines chutent et se cassent lourdement, désespérant les hommes qui ont passé plusieurs mois à les tailler... La tribu souveraine, les "grandes oreilles" ordonnant de tailler toujours plus, d'ériger des statues toujours plus grandes...
Ce site vous fait mesurer la puissance, l'ingéniosité de ces hommes, mais aussi leur folie destructrice, en dédiant toute leur énergie à la réalisation de ces statues...
Les règles d'entrée dans le parc sont très strictes: ne pas toucher les moais, ne pas sortir du sentier.
Je vous laisse découvrir ce site fabuleux...
Les statues sont toutes plus ou moins enterrées, le reste de leur corps ayant été recouvert par la terre au fil des années.
Vous vous doutez bien qu'on a cherché à connaitre leur vraie taille. De nombreuses fouilles archéologiques ont été effectuées. Et voilà ce qu'on a découvert... Impressionnant, non?
Regardez la sculture des mains sur la photo de droite. Longues et fines à plats sur le bas ventre, au niveau d'un sexe masculin. Il semblerait que tous les moais soient des hommes sur l'île... Une société machiste??? ba, je crois qu'il faut se faire une raison les filles...
Sur la photo ci-dessus, vous voyez bien pourquoi la tribu souverraine se nommait les grandes oreilles...
Une autre curiosité est la physionomie des hommes représentés au travers de ces moais. Les scientifiques s'accordent sur l'origine marquisienne ou tuamotuesque des premiers pascuans... pourtant les moais sont représentés avec un long nez aquilin, de longues oreilles, des orbites très prononcées, une bouche aux lèvres fines... nous sommes très loin de phénotype polynésien... Il semblerait qu'à un moment de leur histoire, des colons d'Amérique du sud soient venus se mêler à la population polynésienne ... énigme non résolue à ce jour...
Nous arrivons à l'endroit où la roche est apparente et nous comprenons alors comment étaient taillés les moais.
Regardez ce corps encore accroché à la montagne. Il a été sculté tout autours dans le sens de la roche et seul un côté est encore soudé.
Les excavations inachevées se succèdent...
Sur cette photo, vous voyez l'emplacement des yeux et de la bouche représentés dans la roche avant la taille...
Pourquoi ces statues délaissées alors que le plus gros du travail avait déjà été effectué? Mystère...
Un des moais possède encore un pétroglyphe de pirogue, révélant l'importance de ce moyen de locomotion.
Quand on se retourne, la vue sur la mer est magnifique... On mesure la déforestation massive qui a eu lieu ici, il y a de cela un millénaire...
Soudain, au detours du sentier, la vue sur le site de TONGARIKI s'offre à nous. Un AHU d'une grande beauté qui fera l'objet d'un prochain post. 15 moais gigantesques érigés dos à la mer ou face à quelque chose (ça dépend de l'explication que l'on donne à la position des moais).
Au bout du chemin, il y a un moai particulier: c'est la seule statue de l'île qui représente un homme à genoux, assis sur ses talons. Probablement antérieure à toutes les autres, elle fut découverte et déterrée lors de l'expédition de Thor Eyerdahl en 1956. Avant, on le voyait bien car il n'y avait pas de barrière autours... j'ai trouvé ces photos sur un blog de 2006...
Nous, nous l'avons vu comme cela...
L'érosion climatique suit son cours année après année...
Puis, c'est le retour par le bas de la montagne puis la montée afin de nous rendre à l'intérieur du RANO RARAKU...
Au coeur du RANA RARAKU se trouve un petit lac, bordé de joncs...
Sur le flanc interne, vous apercevez également des moais. Malheureusement, il est dorénavent interdit de s'y rendre car des études de repeuplement par la flore endémique sont en cours à cet endroit.
Au bord de l'eau, il y deux hommes qui tressent le jonc qui servira à la fête annuelle qui se déroule sur Rapa Nui. Des festivités qui retracent l'histoire des pascuans, avec descente des colines sur des sortes de luge de joncs, courses à cheval, portage de fruits... beaucoup de musiques et beaucoup de pisco (eau de vie de raisin avec du citron vert: un délice!!)
Vu de près, les luges de joncs ressemblent à ça... On s'allonge dessus et on se laisse glisser ! Attention, ça va vite!
Nous avons pic-niqué à cet endroit sous un arbre...
Avec, parfois, je ne vous le cache pas, une odeur de cheval de décomposition qui venait nous agresser les narines, selon le sens du vent.
Un signe qui ne trompait pas: les Chimango caracara planant au dessus des lieux...
D'ailleurs, nous avons vu la carcasse un peu plus loin, sur la gauche du lac...
Le volcan est un sanctuaire de chevaux sauvages. Nous en avons vu arrivés au triple galop le long du lac, pour aller y boire; c'était magnifique! avec ce bruit de sabot résonnant sur les parois...
... juste à côté, le cheval d'un homme que nous avons vu plonger dans le lac...
Nous sommes montés sur le pourtour du volcan. La vue depuis cet endroit était très belle aussi...
Une vraie vue, lointaine, épurée, si différente de Tahiti, où la végétation envahit tout, partout, inexorablement.
Puis ce fut la descente...
Avant de retrouver la voiture... allez, une dernière vue de ce magnifique endroit...
A suivre...